L'art dans la Préparation du Thé Chinoise

En général, les Chinois boivent du thé par deux moyens principaux. L'un est de boire le « thé mixte », c'est-à-dire ajouter du sel, du sucre, du lait ou un peu de la ciboule, la peau d'orange, de la menthe, des longanes, des jujubes au thé, afin d'obtenir un goût différent. L'autre est de boire le « thé pur », c'est-à-dire ne rien ajouter pour garder la saveur originelle de cette boisson et seulement en préparer avec de l'eau bouilli. Quand on boit du thé pur, certains utilisent de grands bols pour apaiser la soif ; d'autres, plus soucieux de la couleur, de l'odeur et de la saveur du thé, se montrent exigeants sur la qualité de l'eau et les ustensiles utilisés ; il y en a encore d'autres, attachant une grande importance aux techniques de préparation et à l'atmosphère et espérant améliorer les relations humaines à l'intermédiaire de cette boisson, qui vont à la maison de thé pour admirer la cérémonie du thé. La préparation du thé, pas du tout mystérieuse, est à la fois ordinaire et subtile, comme le caractère des Chinois, modéré et arrangeant.

Les Chinois ont une habitude invétérée de boire du thé. La manière de boire du thé passe par une transition de la simplicité à la complication et puis un retour de nouveau à la simplicité - de la cuisson à l'infusion, des disques de thé au thé en vrac. Tout au début, à l'imitation de Shen Nong, les gens font bouillir des feuilles de thé dans le pot. Après, suite au perfectionnement des techniques de la production et de la conservation du thé, ils écrasent les feuilles en poudre pour en faire des disques de thé et les font bouillir avec de l'eau quand en préparer.

 L'art dans la Préparation du Thé Chinoise
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La cueillette du thé Biluochun

Cueillir les feuilles de thé et les mâcher directement consiste peut-être en la première façon de se servir du thé ; dans l'antiquité, les gens aimaient aussi préparer des plats avec des feuilles de thé fraîches en y ajoutant des assaisonnements et ces plats sont appelés « les plats du thé ». Jusqu'à l'époque des Wei et des Jin, où la coutume de boire du thé était très populaire, on constatait toujours la continuation de l'habitude de préparer le repas avec le thé, comme le témoignent le « potage de thé », cuit avec le thé et le potage ordinaire et la « pâte de farine de thé », avec le thé et la farine. L'usage de préparer les plats avec le thé, existe encore, même de nos jours, dans, certaines régions d'habitation des minorités nationales. Certaines ethnies du Yunnan pilent les feuilles de thé en pièces et y ajoute du jus de l'ail, du piment et du sel pour faire du thé des hors-d'œuvre délicieux. Il y a encore une autre méthode de saler les feuilles de thé avec un tube de bambou : cuire les feuilles fraîches à la vapeur afin de les rendre tendres, les mettre dans le tube de bambou et les presser pour que l'eau dégoutte ; après, placer ce tube dans un pot de terre cuite de sorte que ces feuilles fermentent ; deux ou trois mois plus tard, il n'est besoin que d'ajouter des assaisonnements comme l'huile de sésame pour en déguster. De plus, ajouter des feuilles de thé quand on cuit des œufs peut leur donner une fragrance de thé. On peut goûter ce genre d'« œufs de thé » dans n'importe quelle ville en Chine, ce qui peut être considéré en quelque sorte comme l'héritage de la tradition ancienne.

A l'époque des Wei et Jin, les gens ont développé la méthode de fabriquer les disques de thé avec des feuilles triturées, en d'autres termes la méthode appelée « cuisson à la vapeur verte ». Le processus de fabrication des disques de thé est assez compliqué, qui comporte plusieurs ordres de travail, à savoir la cuisson à la vapeur, l'arrosage, l'extraction, la trituration et le séchage au feu doux. Les gens lavent, d'abord, les feuilles à plusieurs reprises pour les débarrasser de la poussière et les cuisent à la vapeur ; les ayant sortis du pot, ils arrosent ces feuilles de l'eau froide et les pressent dans le but d'extraire l'eau contenue ; après, ils les triturent dans un ustensile spécialisé et ajoutent de la farine de riz ainsi que la pâte d'huile dans ces pièces de thé pour en faire des disques ou boules de thé ; ceci fait, ils percent un trou au milieu de ces disques ou boules, les enfilent et sèchent dans des chambres scellées ; ce processus est ainsi terminé. On peut garder ces disques de thé et en briser une partie pour la faire bouillir avec des ciboules, des gingembres et des peaux d'orange.

Dans le Lime sur le thé, Lu Yu a fixé une série de règlements pour le choix de l'eau et des ustensiles dans la préparation du thé. Il introduit aussi en détail les méthodes de faire bouillir le thé et en boire : premièrement, sécher les disques de thé au feu doux pour en extraire l'eau contenue, attendre jusqu'à ce que les disques deviennent durs et croquants pour les triturer en poudres ; deuxièmement, faire bouillir de l'eau avec des pots sans couvercles, tout en faisant attention au niveau du bouillonnement de l'eau lequel se divise en trois stades, durant lesquels les bulles d'air sur l'eau bouillonnante ressemblent respectivement aux yeux des poissons, aux sources et aux perles enfilés - pendant le premier bouillonnement, l'eau ne fait pas trop de bruit et les bulles d'air sont petits comme les yeux des poissons ; quand ces bulles sont comme celles des sources, c'est déjà le deuxième bouillonnement ; lorsque le bruit du bouillonnement se fait entendre comme le roulement de tambour, c'est le troisième bouillonnement qui signifie que l'eau a déjà vieilli et n'est plus utilisable. Lu Yu est aussi d'avis que le sel puisse donner une certaine fraîcheur au thé, aussi conseille-t-il d'ajouter du sel à l'eau au premier bouillonnement ; au deuxième bouillonnement, il faut en sortir à peu près un bol d'eau, brasser l'eau avec une baguette ( dans le livre, Lu Yu dit « avec un morceau de bambou », qui indique en fait la baguette ) en vue d'égaliser la température et ajouter les poudres de thé au milieu de l'eau avant de la brasser de nouveau. Lorsque la mousse apparaît, versez la louche d'eau pris tout à l'heure pour baisser un peu la température et pour obtenir plus d'écume. A ce moment-là, il est déjà convenable de déplacer le pot du feu et de se réjouir de la bonne saveur du thé. Dans ce livre, une autre proposition est aussi donnée selon laquelle si le thé est d'une qualité rare et merveilleuse, il vaut mieux n'en prendre que trois bols ; s'il est d'une qualité moins bonne, cinq bols suffisent ; si des hôtes sont aussi sur place, trois bols pour chacun sera convenables pour cinq personnes et cinq bols pour sept. Aux yeux de Lu Yu, Le thé n'est pas une simple boisson chargée d'apaiser la soif. La quantité du thé à boire est aussi un élément étroitement lié à la politesse et au bon goût du thé.

On peut dire que ce n'est qu'après la sortie du Livre sue le thé de Lu Yu que sous l'influence des hommes de lettres, les gens ont passé de l'étape de « prendre du thé » et d'en « admirer la saveur » à celle d'« apprécier la qualité du thé ». Boire du thé est devenu un loisir important dans la vie quotidienne, qui nous apporte une réjouissance élégante et raffinée. Et encore, d'un autre point de vue, ce phénomène reflète que la simple fonction d'apaiser la soif du thé ne peut plus satisfaire la demande de certaines personnes, qui s'engage à étudier l'art du thé dans le but d'ajouter quelque chose de nouveau dans leur poursuite d'une vie élégante et raffinée.

Sous la dynastie des Song, cette poursuite de l'art dans la préparation du thé a atteint son point culminant. L'acte de boire du thé est, petit à petit, devenu une activité cérémonielle. Les gens des Song utilisaient encore des disques de thé, mais ils ont adopté une autre méthode de préparation pour remplacer celle de faire bouillir : c'est celle de « Dian Cha », c'est-à-dire infuser du thé. Avant d'infuser le thé, il reste encore bien des procédures à accomplir : d'abord, il faut examiner le thé, seulement le thé de l'année courante peut être directement trituré en poudres ; si les disques ont déjà été stockés depuis plusieurs années, mieux vaux les imprégner dans de l'eau bouillonnante afin d'en extraire l'huile contenue. Quant à la préparation du thé, les gens des Song utilisaient des « vases à l'eau » spécialisés tels que les vases d'étain, de plomb ou de cuivre, en général sous forme de tubes de bambou. Il est préférable pour l'eau utilisée d'avoir subi deux bouillonnements. Puisqu'ils avaient adopté la méthode d'infuser le thé, les tasses et godets de thé ont fait apparition à cette époque. Avant de procéder à l'infusion, il faut réchauffer les godets à petit feu de crainte que cet ustensile froid fasse baisser brusquement la température de l'eau versée. Ensuite, placer les poudres de thé dans les godets et verser un peu de l'eau bouillonnante là-dedans. Après, brasser cette eau et en verser plus tout en la mélangeant avec une petite brosse pour faire de la mousse. Les gens des Song préféraient le goût originel du thé donc ils ont rejeté la méthode d'y ajouter des assaisonnements comme le sel ou le gingembre. Les méthodes de préparer le thé s'est déjà transformé en une science. Les lettrés organisaient souvent des banquets de thé au cours desquels ils menaient des concours de techniques d'infuser le thé et d'accords entre le thé et les ustensiles, ce qui a rendu les « concours de thé » très à la mode à l'époque.

Sous les dynasties des Tang et Song, le thé de tribut consistait toujours en des disques de thé. Le processus de fabrication des disques de thé était très compliqué à l'époque des Song. A la suite de la cuisson à vapeur verte et l'extraction de l'eau contenue par pression, les feuilles sont triturées avec de l'eau pour obtenir de la pâte. Après, on place cette pâte dans les moules afin de les mouler en forme. Les disques ou boules de thé ainsi produits se présentent du coup sous diverses formes, à savoir la forme carrée, ronde, ovale ou polygonale. Après avoir pris la forme, ils doivent encore subir de six à quinze fois le séchage à feu doux et ensuite un arrosage de l'eau chaude dans le but de rendre leur couleur fraîche et lumineuse. A la fin, les disques arrosés sont mis dans une chambre scellée pour être éventés à se refroidir rapidement. Le lendemain, ils devront être cuits et séchés au feu doux. Ce n'est qu'après toutes ces étapes que le processus de fabrication des disques de thé beaux et merveilleux est enfin terminé.

Les disques de thé de tribut sous les Song se montraient en majorité sous les formes du dragon ou du phénix, donc appelés « les disques de thé du dragon ou du phénix ». Chaque variété ne pouvait être présentée que pour cinq ans, en d'autres termes, cinq ans après, il est nécessaire de développer des variétés nouvelles. Partant, les fonctionnaires locaux, chargés de collecter le thé de tribut, étaient obligés de mettre en pleine valeur leur imagination pour concevoir quelque chose de nouveau. Cai Xiang, auteur des Archives du thé, a réussi à inventer une sorte de disques de thé du dragon plus délicats, inspirée par les disques originels qui sont plus grands. Vingt petits disques de thé du dragon, pesant environ 0,5 kilo, valent 0.1 kilo d'or. Ensuite, un homme nommé Jia Qing a inventé les « disques de thé du dragon de Miyun ». Étant donné que chaque étape du processus de fabrication de ce thé est aussi parfaite que possible, ce nouveau type de thé a été hautement apprécié par l'empereur pour son raffinement et sa délicatesse. Il a même apporté à l'empereur quelques ennuis. Ce thé a été était produit en petite quantité. A part les sacrifices aux ancêtres et la partie utilisée par lui-même, il n'en restait qu'un petit peu. Toutefois, il était si exquis et réputé que les proches du roi venaient constamment solliciter l'empereur de leur en donner certains. Le roi était très contrarié par cette importunité permanente, il a donné l'ordre d'arrêter la production de ce thé. A cette nouvelle, ce thé est devenu encore plus cher.

En dépit de sa conservation facile, les disques de thé nécessitent trop de temps et d'énergie durant sa fabrication, et ils sont peu pratiques lors de la préparation, par conséquent il était donc de moins en moins bien accueillis. Ce qui est la plus importante, c'est que les feuilles perdent une partie de leur jus pendant la fabrication qui produit aussi de la graisse. Cela est peu acceptable pour les fanatiques du thé qui attachent beaucoup d'importance à son charme naturel. Ainsi, après la dynastie des Yuan, apparaît la tendance de mettre l'accent sur le goût naturel du thé. Après avoir pris le pouvoir du régime des Yuan, le premier empereur de la dynastie des Ming, Zhu Yuanzhang, a aboli les disques de thé complexes et coûteux et n'acceptait que le thé en vrac comme tribut, afin de restaurer le pays qui venait de subir les pertes infligées par la guerre. Il a également préconisé de préparer du thé en utilisant des feuilles entières plutôt que de les triturer en poudres. Un homme de la dynastie Ming, nommé Lu Shusheng, a écrit Le livre de ]asmine, dans lequel il a cité les moyens de préparer du thé : en été, l'eau bouillie doit être versé dans l'ustensile avant de mettre les feuilles là-dedans, de peur que l'eau trop chaude ébouillante les feuilles. En hiver, les feuilles doivent être mises dans l'ustensile avant l'eau chaude, de crainte que l'eau ne soit pas assez chaude pour faire ressortir le goût du thé. En conséquence, les gens des Ming ont aussi changé d'ustensile destiné à préparer du thé : ils ont adopté le petit pot à la place du grand pot, parce que dans celui-ci, le goût du thé se disperse plus rapidement, alors que le petit pot pourrait mieux garder son parfum. De cette façon, grâce aux efforts de l'empereur Zhu Yuanzhang, le thé en vrac a complètement supplanté les disques de thé, ce qui a modifié radicalement les coutumes de préparer du thé datant de plus d'un millénaire. Au milieu de la dynastie Ming, les concours de thé, cette activité une fois très à la mode, a déjà disparu.

Le thé en vrac n'est pas une invention des gens des Mings parce que la «friture verte», ce procédé de fabrication du thé en vrac, a été enregistré dans des dossiers sous la dynastie des Tang, bien qu'il n'atteigne sa perfection qu'à l'époque des Ming. Cette méthode, quoique moins complexe que « la cuisson à vapeur verte », exige quand même de grands soins durant le processus. Tout d'abord, on ne doit pas choisir un pot de fer jamais utilisé, dont l'odeur de fer contaminerait les feuilles de thé. Deuxièmement, le pot ne doit jamais être utilisé pour contenir de l'huile, de peur que celle-ci gâte le goût fin du thé. Au cours de la « friture verte », on doit d'abord chauffer le pot à feu doux, et verser après les feuilles là-dedans. Il ne faut jamais frire trop de feuilles de thé pour une seule fois et la quantité convenable est à peu près un demi-kilo. Quand des craquements commencent à se faire entendre dans le pot et que les feuilles deviennent ramollies, on peut se mettre à faire sauter les feuilles rapidement à grand feu. Durant ce processus, on est supposé porter des fourreaux de doigts en bois et faire sauter les feuilles rapidement afin d'égaliser la température. En même temps, il faut aussi agiter des éventails à côté pour laisser sortir la chaleur dans le temps. Lorsque les feuilles ont été faites, elles doivent être éparpillées sur une pelle, éventées dans le but de les refroidir, et doucement pétries et tordues afin de les former. A la fin, il reste encore de mettre les feuilles tordues dans la casserole en vue de les sécher à feu doux.

 L'art dans la Préparation du Thé Chinoise
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Le séchage au soleil du thé Longjing

Le chauffage est le facteur crucial dans la « cuisson à vapeur verte » ou la « friture verte ». Si le feu est trop violent, on risque de rendre les feuilles trop dures en leur faisant perdre trop d'eau contenue, tandis que le feu trop petit ne peut pas chasser l'odeur d'herbe et exciter le parfum des feuilles de thé au maximum. Par conséquent, nos ancêtres ont fixé de nombreux règlements sur le chauffage dans ce processus. Par exemple, lors de la « friture verte », il est préférable de choisir des branches comme combustible plutôt que les feuilles sèches, parce que le feu alimenté par les feuilles sèches s'enflamme et s'éteint trop vite, ce qui pose des problèmes à contrôler sa température. Afin de mieux contrôler la température, certains proposent d'utiliser du charbon de bois, surtout au cours du séchage des feuilles frites au feu doux.

Selon les mythes, le thé a attiré l'attention de Shen Nong et a obtenu son appréciation en raison de sa vertu de désintoxication. Peut-être est-ce sous cette influence que les Chinois accordent toujours tl une grande importance aux fonctions médicales du thé. Le célèbre écrivain, Sima Xiangru (179-117 avant JC) des Han de l'Ouest a enregistré 20 types de médicaments de Sichuan, y compris le thé. Une célébrité des dynasties du Sud avait l'habitude de boire un dou (une unité de mesure chinois, environ 10 litres) de thé pour une seule fois, ce qui lui a valu le surnom « Coupe sans fonds ». Pourquoi buvait-il tellement de thé? Parce que ses contemporains croyaient que le thé peut non seulement dessoûler les gens ivres et garder les gens en éveil, mais aussi alléger la fatigue, rendre les gens énergiques en leur faisant oublier les ennuis et même les aider à entrer dans le monde céleste. Un empereur de la dynastie des Sui (581-618) est tombé malade et un moine lui a dit que le thé pourrait guérir sa maladie. Le célèbre médecin de la dynastie Ming, Li Shizhen (1518-1593) a écrit dans son Compendium de Materia Medica, « Le thé est du goût amer et de nature froide, donc c'est un médicament convenable à utiliser pour chasser la chaleur dans le corps humaine. Une fois que la chaleur a été chassée, la santé revient. » Partant, depuis de nombreuses années, le thé est non seulement considéré comme boisson, mais aussi utilisé comme médicament herbacé bon marché.