Yan Liben – le Peintre de la Dynastie des Tang

Yan Liben, un noble de naissance, fut l'un des plus grands peintres de portraits et personnages. Non seulement il devint célèbre par sa création de personnages tirés des livres d'histoire, mais fut aussi un architecte impérial. Il fut même l'ingénieur en chef chargé de la construction et de la fabrication pour la cour impériale. Bien que peintre de grande importance, il se sentait inférieur et mal à l'aise dans la société. Il a dit à ses descendants que lorsqu'il était jeune, il avait beaucoup lu et pas moins que ceux qui voulaient devenir mandarins. Mais il avait choisi d'exceller dans le domaine de la peinture et était encore traité comme un serviteur même après avoir atteint la gloire. Alors, il leur conseillait de ne pas suivre son exemple.

Selon les ordres de l'empereur Taizong de la dynastie des Tang, il compléta les tableaux Treize Empereurs des Han aux Sui, Dix-huit érudits de la famille Qin, Vingt-quatre héros dans le pavillon Linyan, Le palanquin impérial, et Fonctionnaires de la cour, desquels Treize Empereurs des Han aux Sui et Le palanquin impérial nous sont parvenus.

Yan Liben – Peintre de la Dynastie Tang
Le palanquin impérial, peinture en rouleau (38,5 cm x 129 cm), encre et couleur sur soie attribuée à Yan Liben. Musée du Palais impérial de Beijing,

Treize Empereurs sont les portraits de treize empereurs de la dynastie des Han à celle des Sui, comme Guangwudi Liu Xiu des Han (règne 25-57), Wendi Cao Pi des Wei (règne 220-226), le roi Sun Quan de Wu (règne 222-252), Wudi Sima Yan des Jin (règne 265-290), qui furent les fondateurs d'une dynastie, ainsi que le dernier roi du royaume de Chen (règne 583-587), et Yangdi de la dynastie des Sui (règne 605-616), qui perdit un empire. Tous les fondateurs d'un empire paraissent solennels, bienveillants et incomparablement gracieux, tandis que ceux qui perdirent un empire semblent abattus et apathiques. Les dirigeants de la dynastie des Tang voulaient montrer à leur postérité comment un empire se construisait et se détruisait. Ces portraits sont très politiques. Dans ce domaine, Yan Liben excella en tant que peintre impérial désigné par l'empereur Taizong (règne 627-649). Bien que chacun de ces portraits soit unique, la formule adoptée à partir des Han fut suivie ; par exemple, la posture des empereurs se retrouve jusque dans La Nymphe de la rivière Luo et dans les fresques de Dunhuang des Tang.

Une autre œuvre importante de Yan Liben est Le palanquin impérial, qui rappelle le moment solennel où des envoyés de Tubo (le Tibet actuel) arrivèrent à Chang'an (actuellement Xi'an), la capitale des Tang, pour demander en mariage la princesse Wencheng en 490. Comme il s'agissait d'un événement impérial réel qui fournissait un contenu abondant pour la peinture, le résultat final est vivant et réaliste, et évite les éléments conceptuels abstraits et montre une véritable créativité artistique. À droite en bas, on voit le palanquin sur lequel prend place l'empereur Taizong, transporté par les dames de la cour. À la gauche de l'empereur se trouvent trois maitres de cérémonie, au centre, l'émissaire du nom de Lu Dong Zan, et à l'arrière, un membre de la cour. L'empereur Taizong est le point de mire du tableau. Assis, il parait solennel, parfaitement calme, et gracieux dans son regard profond en avant, plein de la majesté d'un empereur au cours d'un règne de grande prospérité. Neuf dames portent le palanquin et tiennent de grands éventails et un parasol de soie rouge au-dessus de l'empereur, et chacune, dans sa posture propre, ajoute beauté et couleur à une scène très politique. Leur tendresse ravissante et leur démarche légère offrent un contraste frappant avec la majesté rayonnante et la détermination solennelle de l'empereur Taizong. Les envoyés de Tubo sont de stature moindre, et paraissent soumis et impatients. Il n'y a rien en arrière plan ; la peinture se compose de personnages uniquement. La géométrie et la composition sont compactes, et de droite à gauche, le rythme est distinct, les couleurs sont fortes avec de larges zones de rouge et de vert en alternance, et l'impact visuel frappant. C'est une combinaison parfaite de géométrie dimensionnelle hautement ornementale et de représentation réaliste de personnages individuels. Tous les personnages sont uniques et distincts, ce qui montre la grande habileté et la compétence du portraitiste, qui fait ressortir la grâce et la majesté de l'empereur Taizong, l'aspect étranger des envoyés de Tubo, et la soumission des maitres de cérémonie et interprètes de la cour dans les gestes qui conviennent à leur statut. La position relâchée des dames de la cour est gracieusement équilibrée par la tenue rigide des hommes, conférant de l'importance à l'événement officiel ainsi qu'un contre-équilibre et un contraste au personnage central du tableau, l'empereur Taizong.

Yan Liben – Peintre de la Dynastie Tang

Treize empereurs des Han aux Sui, peinture en rouleau attribuée à Yan Liben, encre et couleur sur soie. Musée des Beaux-arts de Boston.

Le palanquin impérial fait partie de la Collection de peintures Xuanhe compilée sous la supervision de l'empereur Huizong de la dynastie des Song, de l'Histoire de la peinture du célèbre peintre Mi Fu (1050-1107) et de nombreux autres ouvrages d'art. Ce tableau fut un favori de la collection impériale aussi bien que des collectionneurs d'art et représente le plus haut niveau d'excellence atteint sous les Tang. Le palanquin impérial actuellement au Musée du Palais impérial de Beijing est une copie de l'époque des Song. Yan Liben a poursuivi le style raffiné de peinture de Gu Kaizhi et Zhan Ziqian. Toutefois, il a dérivé en quelque sorte de l'importance accordée à l'utilisation délibérée de généreuses lignes élégantes pour donner une impression de mouvement avec la brise. Au contraire, il a utilisé des lignes plus solides et simples mais plus représentatives des sujets concernés, que les critiques d'art appellent « lignes de fer ». Pour la palette de couleurs, il a fait grand usage de rouge cinabre et de vert malachite pour souligner la composition symétrique d'un tableau et pour illustrer l'élégance du statut royal. Seule la copie des Song a survécu jusqu'à aujourd'hui, et à travers elle, l'originalité de l'élégance de l'artiste est toujours évidente.