La Peinture Chinoise des Dynasties des Qin et des Han

Le grand historien chinois Qian Mu a dit que, outre la calligraphie, la plus importante forme d'art chinoise était la peinture. Bien que les plus anciennes peintures remontent à l'époque préhistorique, la plupart des œuvres produites sous les dynasties des Qin (221-206 av. notre ère) et des Han (206 av. notre ère-220 de notre ère) étaient des fresques et des sculptures sur pierre dans les palais et les chambres funéraires. Jusqu'aux dynasties des Wei (220-265) et des Jin (265-420), la peinture s'est développée en un art plus populaire et la soie et le papier sont devenus plus abordables comme support. Cela montre que la peinture chinoise la plus ancienne servait exclusivement l'aristocratie et la religion. À partir des Wei et des Jin jusqu'aux Sui et aux Tang, elle s'est progressivement transformée pour devenir plus accessible au peuple. Comme la plupart des œuvres pour l'aristocratie et la religion étaient dessinées ou gravées sur les parois et le sol des temples, des chambres funéraires et des palais, la plupart des peinture des dynasties des Qin et des Han ont disparu avec la destruction de ces bâtiments. Quelques exceptions ont été préservées dans les chambres funéraires, pour devenir les sources principales de recherche sur la peinture de ces époques.

La Peinture Chinoise des Dynasties Qin et Han

Dragon, Phénix et Beautés, peinture sur soie exhumée d'un tombeau de Chenjia dans la province du Hunan en 1949, considérée comme une des plus anciennes peintures chinoises connues.

Les fresques des chambres funéraires sont relativement plus difficiles à détruire et plusieurs ont donc survécu. Mais les peintures peut-être les plus significatives qui ont capté l'imagination des historiens de l'art sont celles qui sont produites sur soie et qui étaient enterrées avec les empereurs et les aristocrates. Dragon, Phénix et Beautés, une peinture sur soie exhumée en 1949 d'un tombeau du mont Chenjia dans la province du Hunan, est une des plus anciennes peintures chinoises connues. On estime qu'elle appartient à la période 475-221 avant notre ère. Après les dynasties des Xia, des Shang et des Zhou, la Chine est entrée dans la période des Printemps et Automnes et des Royaumes combattants où Confucius a vécu et durant laquelle plusieurs États se battaient pour la suprématie territoriale. Le site où l'œuvre Dragon, Phénix et Beautés fut découverte se trouvait au centre du royaume de Chu. Peinte sur soie, elle est donc appelée « peinture sur soie » (bo hua).

Comme les figurines de terre cuite enterrées dans les tombeaux, les peintures étaient utilisées pour accompagner et protéger le défunt selon des rites de la nécromancie. La peinture comne art n'était pas encore pratiquée de façon consciente et délibérée. Sur Dragon, Phénix et Beautés, une dame se trouve au centre. Il est difficile de savoir s'il s'agit d'une prêtresse qui prie pour le défunt ou si elle représente elle-même la défunte. Au-dessus de la dame, il y a un dragon et un phénix, deux personnages mythiques de l'antiquité chinoise, et des symboles de bon augure. Comme les anges dans le christianisme, on croit qu'ils peuvent guider l'âme du défunt vers le ciel.

La Peinture Chinoise des Dynasties Qin et Han

Non-robe, peinture sur soie exhumée d'un tombeau de Mawangdui près de Changsha.

Une autre importante peinture sur soie a été exhumée d'un tombeau de Mawangdui près de Changsha. On pense qu'elle remonte aux environs de l'an 165 avant notre ère. Elle est en forme de T. Les archéologues l'ont nommée « non-robe » parce qu'elle a la forme d'une robe mais ne peut être portée. Le sujet du tableau est « une âme qui monte au ciel ». La partie supérieure représente clairement le ciel, le centre, la terre, et la partie inférieure, le monde souterrain. La réalité se mêle à la fantaisie. La section médiane de la terre raconte l'histoire de la personne inhumée. Il s'agissait de l'épouse de Licang, un aristocrate. Elle portait des vêtements de soie très colorés. À en juger par son attitude, c'était une personne âgée. Elle traverse une grande salle où des serviteurs s'inclinent devant elle et des servantes la suivent. Un peu plus bas on voit une scène de banquet mais sans la présence d'un hôte. Les tables sont bien garnies de mets délicieux dans de la vaisselle luxueuse et de coupes remplies de vin. Comme il n'y a pas d'hôte présent, aucun invité ne mange ni boit mais tous sont debout et légèrement inclinés comme s'ils saluaient le départ de l'hôtesse. Symboliquement, elle est « envoyée » au ciel par tous ses serviteurs et servantes. La section supérieure du ciel est pleine d'imagination et de fantaisie. Durant la période Han, on croyait que lorsqu'une personne mourait, son âme allait au ciel pour devenir un être céleste dans un autre monde. Dans le monde céleste de cette peinture on voit le soleil, la lune et des étoiles. Il y a un corbeau doré dans le soleil et un lièvre de jade dans la lune, deux animaux de bon augure que, sous les Han, on associait au soleil et à la lune. On voit aussi un grand mûrier éclairé par la lune et un dragon qui vole dans le ciel. Au clair de lune, une jeune femme vole avec le dragon. Il semble qu'elle se soit échappée des tâches domestiques de la vie terrestre et qu'elle ait retrouvé sa jeunesse pour danser avec le dragon dans le monde céleste.

Cette merveilleuse peinture sur soie de la dynastie des Han véhicule la tradition que nous avons d'abord vue dans Dragon, Phénix et Beautés de la période des Royaumes combattants. Tous les personnages sont vus de profil seulement. Les Chinois de l'antiquité croyaient que le profil faisait ressortir les caractéristiques d'une personne. La peinture sur soie des Han est plus sophistiquée que celle des Royaumes combattants, qui présente de simples lignes à signification symbolique. Bien que de forme traditionnelle, la peinture des Han utilise des lignes plus élégantes et une composition plus fine pour dépeindre une histoire romantique sur la terre et au ciel. Elle adopte le format « non-robe » pour indiquer la direction du tableau, de haut en bas, soit le ciel, la terre et le monde souterrain. Dans la section médiane de la vie terrestre, on peut suivre la direction du temps présent et passé : le présent est au-dessus du passé. La peinture des Han montre aussi un dessin et une technique plus élégants et sophistiqués. Elle utilise l'encre noire pour tracer l'esquisse et ajoute ensuite la couleur dans les espaces ainsi délimités. Les pigments minéraux rouges de cinabre, verts de malachite, bleus d'azurite et blancs de craie sur la peinture gardent encore leur couleur originale après plus de deux millénaires.