La Peinture Chinoise de Paysages

À la dynastie des Song, le paysage était parvenu à dominer la peinture chinoise. Les peintres voyageaient beaucoup dans les forêts et les montagnes où ils passaient des jours à observer la nature afin de reproduire convenablement la beauté naturelle de divers endroits, et les saisons et les types de climat de manière impressionnante. Guo Xi, un peintre de paysage des Song du Nord, a écrit dans son ouvrage sur la peinture intitulé Spiritualité dans un ruisseau de forêt : « Capturer l'essence de la nature requiert un profond intérêt pour la peinture, un travail ardu et des voyages intensifs. » Des imposantes montagnes et des rivières reproduites de façon exquise, aux scènes miniatures brièvement décrites, tous les paysages représentent des créations éminentes de différentes périodes. De telles peintures ne présentaient pas seulement de sublimes montagnes pointillées d'architecture splendide, des excursions d'aristocrates dans des jardins luxueux et la vie solitaire des fonctionnaires érudits, mais aussi des scènes rurales à travers le pays et les activités du peuple ordinaire comme conduire un charriot, actionner une roue à eau, cultiver les champs, pêcher, couper du bois et chevaucher un mulet, de même que des endroits comme des temples bouddhistes et taoïstes et des tavernes dans des villes désertes.

Les peintres divisaient le shanshui en diverses catégories, chacun selon ses propres critères. Par exemple, les scènes « au nord » et « au sud du Changjiang » sont très différentes. D'autres divisaient d'après les sujets comme « brume matinale », « vieilles forêts », « vallées lointaines », « douce brise et pluie légère », « eaux et deux mêlent leur couleur », « rivières traversant les vallées », « soleil couchant dans les forêts clairsemées », « neige légère sur un village de pêcheurs », « temples déserts dans les montagnes en automne », « garçon et buffle retournant à la maison le long d'une rivière bordée de saules » et « pêcheur solitaire en hiver ». Ils illustraient d'anciens poèmes par une description réaliste du paysage véritable en se servant de leur imagination.

Peinture Chinoise de Paysages
Demander son chemin en montagne à Murmure des pins en montagne (165,2 cm x l'automne (165,2 cm x 77,2 cm) de Ju 77,2 cm) de U Tang, Musée du Palais de Taipei. Ran. Musée du Palais de Taipei.

Sous la dynastie des Song, le paysage shanshui du Nord lancé par Jing Hao, un peintre des Cinq Dynasties, continua à jouir d'une grande popularité. Les peintures verticales de Jing symbolisaient la recherche d'une vie retirée en ce que ces rouleaux ressemblaient à des montagnes imposantes et à des écrans qui séparaient leur monde de liberté longtemps convoité du monde réel de dérangements et distractions.

Trois peintres de la dynastie des Song du Nord, Li Cheng, Guo Xi et Fan Kuan, poussèrent ce genre à son sommet. Depuis les Six Dynasties, le paysage chinois était influencé non seulement par le confucianisme mais aussi par le taoïsme et le bouddhisme, combinés au réalisme confucéen et au non-agir taoïste. Devenir fonctionnaire en passant les examens impériaux ou vivre dans la retraite constituait le choix de vie des lettrés. Par exemple, selon les documents historiques, Li Cheng avait « du talent et des connaissances » et « de grandes ambitions depuis son enfance ». Bien sûr, « grandes ambitions » ne signifie pas qu'il voulait devenir un artiste reconnu. Ce terme indique plutôt ses ambitions politiques. Toutefois, comme Li connut une série d'échecs aux examens impériaux, il décida de « se vouer à la peinture », « passant la grande partie de ses jours dans des grottes de montagne à peindre de froides forêts ». Guo Xi a signalé dans Spiritualité dans un ruisseau de forêt que la raison pour laquelle les jeunes hommes aimaient les montagnes et rivières était que ce paysages naturels les faisaient « se sentir plus près des ermites qui vivaient de pêche et de la coupe du bois loin du monde troublé. »

Li Cheng (919-967) était presque contemporain de Jing Hao et Guan Tong. Descendant de la famille impériale des Tang, il vivait à Chang'an mais se déplaça plus tard à Yingqiu (QLngzhou, présentement dans la province du Shandong), d'où son surnom de Li Yingqiu. Li Cheng écrivait des poèmes, jouait de la cithare, et jouait aux échecs, mais il n'a jamais été fonctionnaire. Il a d'abord étudié auprès de Jing Hao et Guan Tong, puis développé son propre style en se concentrant sur la peinture de paysages réels. La plupart de ses œuvres représentent des forêts froides d'une perspective « pingyuan » ou des montagnes proches aux montagnes éloignées. Ces œuvres se distinguaient par leur concision et leur précision et par l'utilisation de l'encre diluée. Li était doté d'une vision étonnante de la nature. Même s'il avait commencé sa carrière en apprenant auprès de Jing et Guan, ses premières œuvres n'étaient pas très influencés par des stéréotypes. Pins selon la perspective « pingyuan » (Qiaosong pingyuan tu) représente une scène réelle qu'il admirait. Il est rare chez les peintres chinois qu'un paysage soit conforme aux lois de la perspective, avec les pins rapprochés paraissant beaucoup plus hauts que les montagnes éloignées. Il ne faut pas penser que le peintre s'est trompé en faisant les pins plus hauts que les montagnes. Li Cheng avait tellement confiance en sa propre observation de la nature qu'il adopta la perspective pingyuan dans la plupart de ses œuvres, conférant ainsi à ses tableaux un sens d'ampleur. Suivant Jing Hao en ce qui concerne le travail au pinceau, il se concentra sur l'arête des montagnes et sur les arbres pour produire un effet de vide, de sérénité et d'éloignement. Ce qui est remarquable à son sujet est qu'il mettait l'accent sur la représentation réaliste de la nature en peignant les forêts et rochers et en rejetant tous les stéréotypes. Lisant la stèle sur la falaise (Dubei Keshi tu) est une représentation parfaite d'une vue de la nature sereine et sombre. Au flanc de la montagne, un vieux pin étend ses branches ficelées par des plantes grimpantes. II n'y a rien en arrière-plan, comme si l'endroit sans bornes était stérile depuis longtemps, une scène qui communique sa mélancolie à l'observateur. Une stèle imposante est plantée sur une terrasse. Elle repose sur une base en forme de tortue, et des dragons sont sculptés à son sommet. Un homme portant un chapeau et à dos de mulet lit les inscriptions. Un garçon, probablement son valet, se dent près de lui, un bâton en main. Le contour des arbres et des rochers a été dessiné avant que la peinture soit effectuée à l'encre, ce qui les fait paraitre clairs et vigoureux.

Peinture Chinoise de Paysages
La rivière Xiaoxiang (50 cm x 141 cm) de Dong Yuan. Musée du Palais impérial de Beijing.

Li Cheng, Guan Tong et Fan Kuan représentent trois grandes écoles de paysage en Chine du Nord pendant les Cinq Dynasties et la dynastie des Song du Nord. Les œuvres de Li Cheng sont devenues rares. Mi Fu est allé jusqu'à dire qu'il n'existe pas d'originaux de Li. Temple solitaire dans les montagnes sous un ciel clair (Qingluan Xiaosi tu) se trouve actuellement au Musée d'art Nelson-Atkins aux États-Unis et on dit que c'est une œuvre de Li Cheng. Bien que la plupart des œuvres de Li Cheng ne soient pas parvenues jusqu'à nos jours, il n'est pas difficile de saisir son style par les œuvres de plusieurs de ses disciples dont les plus connus sont Wang Shen, Xu Daoning et Guo Xi.

Guo Xi, dont le pseudonyme est Chunfu, est né à Wenxian dans la province du Henan. Il fut admis à l'Académie impériale de peinture à l'âge adulte et servit la cour jusqu'à sa mort. On disait qu'il était un favori de l'empereur Shenzong des Song du Nord. Disciple de Li Cheng et extraordinaire peintre de paysages, il avait un trait de pinceau vigoureux et un style clair d'encre et lavis. Il reproduisait les montagnes et rochers par de légers traits à l'encre comme des nuages qui roulent. Les brindilles qui se balancent semblent des pattes de crabe. Il avait un style délicat dans ses premières années, puis passa à un style imposant. Il reproduisait particulièrement bien les falaises escarpées, les pins, les rivières qui serpentent et les pics perdus dans la brume. On mentionne souvent son nom accolé à celui de Li Cheng, Li-Guo. Ses œuvres les plus représentatives sont Printemps hâtif (Zaochun tu), Neige printanière dans les montagnes {Guanshan Chunxue tu), Rochers selon la perspective « pingyuan » (Keshi Pingyuan) et Vallée silencieuse (Yougu). Dans Spiritualité dans un ruisseau de forêt, une collection de ses essais sur la peinture compilée par son fils Guo Si, Guo Xi dit qu'un paysage doit donner aux observateurs l'impression d'être sur les lieux, où ils peuvent se promener, se réjouir les yeux, avoir du plaisir et prendre un moment de repos. Il encourageait les peintres à voyager et à observer chaque chose de près afin de saisir la nature. Il a aussi résumé les observations des artistes selon trois perspectives : lointain en hauteur, lointain en profondeur et lointain à l'horizon.

Printemps hâtif, conservé au Musée du Palais de Taipei, est un paysage époustouflant. C'est une représentation vivante du début de la saison au moment où tout fourmille de vie, montrant le brouillard léger, les nouvelles feuilles et les rivières limpides. Les personnages, bateaux et bâtiments apparaissent en fonction du thème principal. L'agencement est distinctif et la conception d'ensemble est tranquille et spacieuse avec ses montagnes et rochers frappants. En tant que disciple de Li Cheng, Guo Xi a essayé de garder sa peinture aussi près que possible de l'aspect sauvage tout en montrant le style imposant du paysage du nord de la Chine et le style régulier typique des peintres de la cour. 11 utilisait les trois perspectives alternativement, avec des montagnes lointaines et proches se dépassant l'une l'autre dans la bruine gracieuse. « Le tableau produit facilement une impression d'éloignement - un espace qui nourrit l'imagination des observateurs. Toutefois à en juger par cette peinture, qui met en valeur les sentiers dans la montagne, les bateaux sur la rivière et les piétons sur les routes, l'intention du peintre de donner aux observateurs l'impression qu'ils peuvent voir, marcher, voyager et vivre n'est qu'une supposition, ou un idéal qu'il n'a peut-être pas nécessairement mis en pratique. » En fait, la structure des peintures verticales fait obstacle à l'effort des peintres pour produire un effet d'éloignement qu'ils considèrent nécessaire à la composition idéale d'un paysage. Toutefois, au fur et à mesure qu'ils maîtrisent cette forme de peinture et qu'ils atteignent la maturité de leur époque, leur observation et leur expérience de la nature s'approfondissent à un niveau sans précédent. Printemps hâtif de Guo Xi fournit une preuve de cette contradiction.

Les œuvres plus réalistes et moins grandioses de Guo Xi présentent une conception esthétique différente. Dans Vue de rochers selon la perspectiv « pingyuan » (1078), il ne recourt qu'à la perspective horizontale. La relation proportionnelle entre les pins rapprochés et les rochers lointains rappelle les œuvres de Li Chen. Avec la plus simple perspective, la vue est manipulée et adaptée par l'artiste, laissant donc davantage d'espace à l'expression des sentiments personnels. Cette approche de composition permet le maximum d'exploitation de diverses nuances d'encre. Les scènes rapprochées sont soulignées de traits fermes et peintes en « lignes de nuages roulants », tandis que les montagnes à distance sont peintes à l'encre légère selon la méthode « sans os ». Le paysage faiblement discernable a été reproduit aussi naturellement que possible. Les « vues d'un coin » de Guo ont jeté la base du style de peinture de la dynastie des Song du Sud.

Peinture Chinoise de Paysages

Rochers selon la perspective - pingyuan • (120,8 cm x 167, 7 cm) de Guo Xi. Musée du Palais impérial de Beijing.

Fan Kuan (dates inconnues) est né à Huayuan (Yaoxian) dans la province du Shaanxi. Son tempérament doux lui a mérité ce surnom de Fan Kuan où Kuan signifie doux en chinois. Il a vécu au début de la dynastie des Song du Nord et était l'un des trois plus célèbres peintres de paysage du nord de la Chine. Il a d'abord étudié auprès Li Cheng, puis auprès de Jing Hao, avant de se retirer dans les montagnes, croyant que « la nature est un meilleur maitre que les hommes ». Il a établi son propre style basé sur l'observation de la nature, et est devenu un représentant de « l'école du Nord » avec Li Cheng. Fan pouvait s'assoir n'importe où dans les montagnes éloignées pendant une journée entière, à examiner le paysage autour de lui et à réfléchir sur « la nature réelle ». Il peignait très bien les quatre saisons, les voyageurs, et d'innombrables vues de vents, lune, nuages et cieux après la pluie ou la neige. Toutes ses œuvres sont de magnifiques et étonnants paysages de montagnes des provinces du Shaanxi et du Gansu. Elles ont été exécutées sur de larges rouleaux. Il aimait dessiner des forêts luxuriantes au sommet des montagnes et des rochers protubérants au milieu des rivières selon la technique des « traits en gouttes d'eau », qui souligne la structure tangible et la texture des montagnes. De ses œuvres célèbres on peut citer Voyageurs par monts et eaux (Xishan Xinglu tu) et Neige dans une forêt froide (Hanlin Xuejing).

Voyageurs par monts et eaux a été exécuté à l'encre sur soie. Sur le côté de la peinture se trouve une inscription de Dong Qichang de la dynastie des Ming : « Xishan Xinglu tu de Fan Zhongli de la dynastie des Song du Nord. » Cette œuvre significative de Fan Kuan représente une vue spectaculaire des monts Qinlong, de forêts et herbes exubérantes et de rochers imposants. Fan ne semblait pas porter attention à la disposition traditionnelle qui amplifiait la profondeur de la scène. Au contraire, il plaçait un profond précipice au centre pour montrer que l'« existence » de la montagne avait beaucoup d'importance pour l'ermite du tableau. Pour lui, la montagne était ce qu'un philosophe appellerait une « entité » et elle symbolisait l'« illumination spirituelle » qu'il poursuivait. L'ermite est assis dans la montagne, complètement absorbé par la nature. Malgré l'utilisation des « traits en gouttes d'eau » qui peuvent être interprétés comme une façon appropriée d'exprimer ses sentiments, Fan vouait une grande attention aux détails impressionnants. Il représentait les rivières dans les vallées, les larges vallées et les routes au pied des montagnes, les ânes transportant du bois pour le feu et des voyageurs se pressant régulièrement et scrupuleusement, comme une large fresque rurale de la peinture européenne du XVIIe siècle.

Sous les Cinq Dynasties et la dynastie des Song du Nord, les peintres chinois de paysage, de Jing Hao, Li Cheng, Fan Kuan et Guo Xi de la Chine du Nord à Dong Yuan de la Chine du Sud, établirent une série complète de modèles de paysages chinois. Parallèlement, la représentation réaliste de la nature demeurait la préoccupation principale de plusieurs artistes. Ils essayaient de trouver l'expression parfaite pour les paysages, vision qu'ils tentaient d'améliorer constamment au moyen de leur observation directe et de leur expérience personnelle de la nature, établissant ainsi un modèle de paysage. La grande envergure et la composition des œuvres et leur signification philosophique implicite sont demeurées sans égales. Toutefois, le shanshui est fondamentalement différent du paysage occidental qui vise à reproduire des scènes naturelles au sens physique à travers l'illusion et l'imitation. La nature reflétée à l'encre sur les rouleaux de soie ou de papier est suggestive, totalement différente de la nature réelle que nous percevons. Alors que les Chinois sont habitués à de tels paysages suggestifs, ceux qui préfèrent les traditions de la peinture occidentale tendent à interpréter ces plaisantes peintures rafraîchissantes seulement comme des paysages d'expressionnistes.