Peintres Formés à L'étranger

En 1601, quand le missionnaire italien Matteo Ricci vint en Chine, il apporta avec lui quelques peintures européennes. Ses cadeaux à l'empereur Shenzong (1573-1619) de la dynastie des Ming comprenaient des peintures à l'huile représentant Dieu et la Madone. Plusieurs peintres chinois furent étonnés du degré de « ressemblance » mais ils n'apprécièrent pas vraiment et ne suivirent pas ce style. Au début des Qing, certains des missionnaires européens qui vinrent en Chine savaient peindre à l'huile. Ils travaillaient à la cour impériale, comme les artistes italiens Joseph Castiglione, jésuite, (1688-1766), Joseph Panzi (1733-1812) et le Français Jean-Denis Attiret (1702-1768). Ils constituaient le premier groupe de peintres étrangers à servir la cour impériale chinoise qui leur demanda de peindre des portraits. L'empereur Qianlong choisit plusieurs jeunes protégés pour étudier la peinture à l'huile auprès d'eux.

Après la guerre de l'Opium, les échanges de la Chine avec les autres pays se multiplièrent. Davantage de peintures religieuses et de peintures commerciales occidentales arrivèrent en Chine, exerçant une influence sur la peinture chinoise traditionnelle. Mais ce n'est qu'à la fin du XIXe siècle que la Chine eut des artistes qui maîtrisaient vraiment les techniques de la peinture occidentale. Durant le règne de Tongzhi (1862-1874), des missionnaires français établirent un orphelinat à Shanghai et enseignèrent diverses compétences dont la peinture à l'huile. Quand ces orphelins devinrent adultes, ils transmirent ce qu'ils avaient appris à la société. À la fin de la dynastie des Qing et au début de la République de Chine, Zhou Xiang, Zhang Yuguang et Xu Yongqing, qui étaient très actifs à Shanghai, venaient tous de cet orphelinat. Entretemps, quelques lettrés chinois allèrent étudier en Europe et voir de leurs propres yeux les œuvres extraordinaires.

Xue Fucheng (1838-1894) qui fut ambassadeur en Grande-Bretagne, en France, en Italie et en Belgique à la fin des Qing écrivit Admirer la peinture à l'huile à Paris où il racontait sa visite d'un musée de cires et d'un musée de peintures à l'huile de Paris, ouvrage qui gagna une large popularité. L'activiste politique et philosophe moderne Kang Youwei (1858-1927) aussi apprécia hautement les peintures de la Renaissance italienne dans un article intitulé Voyage en Italie. Dans leur présentation, les deux intellectuels chinois, pour la première fois, saisissaient une autre forme de peinture, totalement différente de la peinture chinoise.

La forme de peinture nouvellement arrivée intéressa plusieurs peintres chinois qui se mirent à tâter la peinture à l'huile à l'aide de livres et publications et à explorer divers types de pigments. Mais ils peignaient à l'huile en style traditionnel chinois. La situation ne changea pas avant que les jeunes qui étaient allés étudier à l'étranger ne reviennent. Li Tiefu (1869-1952) était l'un d'eux. Il était parti pour les États-Unis en 1887 et avait appris auprès de J. S. Sargent (1856-1925). Li Shutong, qui était allé au Japon, était revenu en 1910. Il enseigna à Tianjin, Hangzhou et Nanjing. Il initia la copie de statues et le dessin de personnes d'après des modèles humains. Il organisa aussi une société d'étude de la peinture occidentale.

Après la Révolution de 1911, davantage de Chinois allèrent à l'étranger étudier la peinture occidentale, surtout en Europe, aux États-Unis et au Japon, comme Li Yishi, Feng Gangbai, Wu Fading, Li Chaoshi, Fang Junbi, Lin Fengmian, Xu Beihong, Pan Yuliang, Zhou Bichu, Pang Xunqin, Yan Wenliang, Chang Shuhong, Lu Sibai, Wu Zuoren, Tang Yihe, Zhou Fangbai, Wu Guanzhong, Wu Dayu, Zhao Wuji et Zhu Dequn. Quand les premiers étudiants chinois arrivèrent en Europe de l'Ouest, la peinture impressionniste et postimpressionniste avait atteint une grande popularité, et l'influence de la peinture classique de l'académisme déclinait. Li Yishi, Wu Fading, Li Chaoshi, Xu Beihong, Yan Wenliang et Chang Shuhong qui étudiaient en Europe promurent le réalisme classique.

Peintres Formés à L'étranger,La Peinture Chinoise Moderne

Portrait d'une concubine impériale brillante et de haute vertu, huile sur papier de (53,5cm×40,4cm), por  Giuseppe Castiglione, dynastie des Qing. Musée du Palais impérial de Beijing

Au Japon, un nouveau mouvement en peinture représenté par Kuroda Seiki (1866-1924) avait changé l'étude des beaux-arts du Japon avec l'introduction de l'impressionnisme. Wang Yuezhi, Chen Baoyi, Hu Gentian, Yu Jifan, Feng Zikai, Chen Zhifo, Fu Baoshi, Wang Jiyuan, Guan Liang, Xu Xingzhi, Ni Yide, Wei Tianlin et Wang Shikuo sont tous allés au Japon. Comme le Japon n'avait pas une tradition de peinture aussi profonde que la France, ceux qui étudièrent au Japon avaient tendance à suivre les divers courants de l'impressionnisme. Une fois de retour en Chine, ils enseignaient habituellement dans des écoles pour transmettre leurs connaissances et le concept artistique associé.

Xu Beihong (1895-1953), Liu Haisu (1896-1994) et Lin Fengmian (1900-1990) furent des peintres et enseignants de beaux-arts qui avaient étudié à l'étranger. Ils excellaient en peinture à l'huile en même temps qu'en peinture chinoise du XXe siècle, et ces maitres eurent une profonde influence sur la formation et le développement de la peinture chinoise moderne. En 1912, Liu Haisu, alors âgé de dix-sept ans, fonda à Shanghai l'Académie de dessin et art. En 1919, l'académie fut renommée École des beaux-arts de Shanghai. C'était la première institution de haut savoir en Chine dans l'histoire de l'enseignement formel des beaux-arts. Dans les armées 1920, la première école d'art de Chine, soit l'École nationale d'art de Beiping ; la première institution universitaire d'art de Chine, soit la Faculté des beaux-arts, et l'École d'art de l'université nationale de Hangzhou, l'université centrale de Nanjing et l'École des beaux-arts de Suzhou furent aussi établies l'une après l'autre. Xu Beihong, Liu Haisu, Lin Fengmian et Yan Wenliang (1893-1988) enseignèrent dans ces institutions, et leur vision artistique personnelle unique marqua ces écoles.

Xu Beihong avait été formé dans la tradition de l'académisme à Paris et était un peintre du réalisme. Il insistait profondément sur le dessin de l'esquisse et sur la précision de la perspective. Il croyait fortement que le premier objectif de l'art était le réalisme et que la vie réelle était la source de l'art. Son autre contribution importante fut son effort pour améliorer la peinture traditionnelle chinoise en intégrant ses techniques à celles du réalisme classique occidental. D'autre part, il essaya aussi d'utiliser comme éléments les émotions personnelles de la peinture chinoise dans sa peinture à l'huile. Comme pour Li Shutong (1880-1942), un maitre en poésie, calligraphie et peinture, les peintures à l'huile de Xu Beihong étaient remplies de caractéristiques chinoises bien qu'il utilisât des techniques occidentales de peinture. Dans leur effort de maîtrise des techniques occidentales, les deux artistes ne mésestimaient pas leurs qualités de peintres traditionnels chinois. Dans ses œuvres Yugong déplace les montagnes et Jiu Fang Gao, bien que peintes à l'encre sur papier xuan, Xu a utilisé des personnes réelles comme modèles et les œuvres montrent de fortes caractéristiques de l'art académicien. Ces deux œuvres ont suscité un énorme intérêt dans le domaine de l'art auquel étaient si habitués les peintres érudits.

Les peintures de chevaux au galop de Xu Beihong ont entrainé la même réaction. Différents des chevaux d'équitation des peintures de Han Gan de la dynastie des Tang, les chevaux de Xu Beihong étaient très pimpants et musclés. Évidemment, Xu était un maitre de l'anatomie.

Liu Haisu, qui avait un an de moins que Xu Beihong, alla en France dans les années 1930. Les peintres qui l'intéressaient le plus étaient ceux de l'art classique, à l'esprit romantique, et les postimpressionnistes européens. Il imitait avec enthousiasme les œuvres du Titien, de Rembrandt, d'Eugène Delacroix, de Van Gogh et de Paul Cézanne. Mais il montra encore sa tolérance pour les arts de différentes écoles dans ses dernières œuvres et ses derniers enseignements. Les peintures de Liu Haisu complétées après son retour en Chine sont considérées comme des chefs-d'œuvre dans l'histoire de la peinture à l'huile chinoise. Ses peintures à l'encre éclaboussée et à la couleur éclaboussée sont l'expression finale de sa sensibilité aux courants de la peinture, et son tempérament d'oser être le premier, plutôt qu'un retour à la tradition des peintres érudits.

Lin Fengmian avait étudié dans les écoles de beaux-arts de Dijon et Paris en France. Il fut influencé par l'académisme, l'impressionnisme et le fauvisme. Il voua toute sa vie à la recherche d'une façon d'intégrer la peinture chinoise et la peinture occidentale, et toutes ses œuvres peuvent être considérées comme des expériences à cet égard.

La plupart des peintures de la deuxième moitié de sa vie furent exécutées sur papier xuan, mais aucune ne recourt uniquement aux techniques de la peinture traditionnelle des érudits. La couleur et la forme devinrent le thème de ses peintures, et les éléments occidentaux jouèrent un important rôle d'appui. Presque toutes ses peintures utilisaient des éléments caractéristiques de la peinture chinoise, comme des servantes du palais impérial, des personnages de théâtre, et des éléments de la peinture de paysage et de fleurs-et-oiseaux. Le résultat final donne des peintures chinoises à l'encre aux caractéristiques occidentales, un mélange organique des lignes de la calligraphie chinoise et du formalisme occidental.