Les Peintures des Grottes de Mogao à Dunhuang

Les grottes de Mogao sont construites sur les falaises entre les monts Mingshao et Sanwei au sud-est de Dunhuang, sur une longueur de 1 618 mètres en direction sud-nord. La construction et la sculpture commencèrent en 366 et durèrent un millier d'années. Toutes les dynasties qui régnèrent pendant ce millénaire participèrent à la construction des grottes et la période la plus active fut celle des Tang. On y trouve 45 000 mètres carrés de fresques et il reste encore 2 000 sculptures colorées. C'est la collection d'art des grottes bouddhistes la plus vaste et la mieux conservée, et un trésor mondial. Comme Dunhuang se trouvait à un endroit stratégique de la Route de la soie sur la frontière occidentale de la Chine, c'était un point important pour les échanges de population et de culture entre la Chine et les régions occidentales (xiyu).

Les Peintures des Grottes de Mogao à Dunhuang
Soutra du Bouddha de la vie étemelle, grotte n° 217 de Mogao à Dunhuang sculptée durant l'âge d'or de la dynastie des Tang.

Le trésor des grottes de Mogao à Dunhuang comprend des pièces d'architecture, des sculptures colorées, des fresques, des livres et des documents. Architecture, fresques et sculptures représentent trois catégories d'arts bouddhistes de Chine. Les sculptures et les fresques des dynasties des Wei du Nord et de l'Ouest (535-556) illustrent les grandes réalisations de la période des arts de Dunhuang. Trente-six grottes appartiennent à cette période. Les fresques sont peintes sur les murs et les plafonds ainsi que sur les colonnes qui soutiennent les plafonds. Sauf quelques peintures décoratives, la plupart illustrent les légendes du bouddhisme et la naissance du Bouddha, et son destin prédestiné. Il y a plusieurs images de bodhisattvas, de personnages célestes et de musiciens et danseurs. Par exemple, Le prince Sattva se donne en pâture à la tigresse affamée dans la grotte n" 254, Conversion de cinq-cents voleurs dans la grotte n° 285, Les enseignements du Bouddha dans la grotte n" 249, Le cerf à neuf couleurs sauve un homme de la noyade dans la grotte n° 257, et les Histoires de la vie du Bouddha dans la grotte n° 290, toutes peintes délicatement avec magnificence et une composition rigoureuse, des chefs-d'œuvre de haute valeur artistique et de grandes réalisations historiques.

Les fresques de Dunhuang de cette période conservaient encore plusieurs éléments des arts bouddhistes en ce qui concerne les sujets représentés et les méthodes adoptées. La vie du Bouddha et les histoires de Jataka viennent directement des classiques de l'enseignement bouddhiste. Des fresques de sujets similaires se trouvent aussi dans les grottes de l'Inde. Pendant la période initiale de l'art des fresques en Chine, les images et caractéristiques d'une terre étrangère étaient conservées telles quelles car on les voyait comme représentatives des dieux et les acceptait comme essence spirituelle du bouddhisme. Par exemple, les images du Bouddha et de diverses déités mi-nus dominent sur ces fresques. En fait, toutes les postures symboliques ont été reprises des originaux indiens. La « méthode indienne de coloriage » qui utilise des ombres foncées et légères pour produire un effet tridimensionnel est une autre indication directe que la tradition picturale indienne avait été adoptée. Certaines postures et la nudité étaient considérées comme essentielles dans l'enseignement bouddhiste et étaient donc représentées sans aucune modification. Toutefois, les détails plus insignifiants étaient plus ou moins laissés à l'imagination des peintres qui pouvaient les présenter selon leur expérience personnelle. Par exemple, la plupart des scènes de chasse sont très semblables à celles des peintures traditionnelles chinoises. Elles changeaient consciemment ou inconsciemment les éléments plus perceptibles des fresques bouddhistes comme l'habillement et les caractéristiques physiques. Les musiciens, les êtres célestes et les bodhisattvas mineurs sont devenus mi-chinois mi-indiens. Mais en général, le désir d'ajouter du réalisme dans la composition la plus imaginaire de fresques bouddhistes était inhibé sous les Wei du Nord à cause du grand respect et de l'immense admiration qu'on éprouvait pour cette religion venue de l'étranger. Par conséquent, les personnages des fresques sont très audacieux et débridés et très conceptuels, et les couleurs sont généralement élégantes. L'effet d'ensemble est très décoratif.

Il y a plusieurs scènes de divertissement et de spectacle, de banquet où l'on mange et boit, ainsi que de jeux de société dans les fresques des grottes indiennes d'Ajanta. Tous les bodhisattvas sont vêtus luxueusement, présentent des postures variées, et les couleurs sont claires. Même les combats contre les démons semblent une mise en scène sans aucun élément d'horreur ou de crainte. Au contraire, les fresques des Wei du Nord sont plus effrayantes et terribles et montrent des sujets comme la pénitence, la pâture des tigres, ou des bandits qui arrachent les yeux. La composition et les couleurs sont donc audacieuses et libres, sans aucune délicatesse ni beauté.Des flammes tremblantes peintes sur les fresques des grottes nos 249 et 257 de Mogao irradient d'un enthousiasme éblouissant qui nous rappelle les peintures chrétiennes de style gothique. En effet, ce style était une extension des anciennes peintures sur soie et sur brique de l'époque Han, Des flammes tremblantes peintes sur les fresques des grottes nos 249 et 257 de Mogao irradient d'un enthousiasme éblouissant qui nous rappelle les peintures chrétiennes de style gothique. En effet, ce style était une extension des anciennes peintures sur soie et sur brique de l'époque Han, Les principales des fresques des Sui et des Tang ont fini par dévier de la représentation symbolique d'images, une tradition de la période des Wei du Nord, et ont commencé à montrer des visages complets. Par exemple, le Portrait d'un bodhisattva dans la grotte n° 103 a la grâce et l'élégance habituelles associées aux caractéristiques traditionnelles de bienveillance des peintures chinoises, ainsi qu'une trace d'éléments étrangers, tandis que les traits de la figure et du corps de même que l'habillement sont tout à fait chinois. Les dames de la cour des fresques de la grotte n° 285 ressemblent beaucoup à celles des peintures de Gu Kaizhi. Les portraits des empereurs de la grotte n° 220 sont presque des copies exactes des treize empereurs de Yan Liben. L'opulence et l'exubérance de ces Paradis de l'ouest des fresques représentent la terre promise de l'enseignement bouddhiste mais les sujets illustrés comprennent davantage d'éléments et origines terrestres. Par exemple, la chasse, les banquets, les carrosses et bateaux, le théâtre, le spectacle, l'agriculture et l'élevage, le commerce, le traitement médical sont tous empruntés à la vie réelle de la période des Tang. Plusieurs fresques ont aussi un paysage comme fond. Les historiens de l'art considèrent que c'est pendant la dynastie des Tang que le paysage chinois est finalement devenu un genre indépendant. Toutefois, très peu de peintures de paysages de cette époque ont survécu. Par conséquent, les paysages des fresques sont une source documentaire importante pour l'étude de l'évolution sous les Tang. Plusieurs fresques shanshui de cette période ont encore un aspect sauvage, avec des montagnes exubérantes et des falaises abruptes couronnées de forêts de pins et de chutes, et des animaux sauvages courant ici et là.

Les Peintures des Grottes de Mogao à Dunhuang

Portrait d'un groupe de bodhisattvas dans la grotte n° 285 de Mogao à Dunhuang, peint entre 535 et 556.

Les grottes n™ 158, 159, 217 et 220 montrent un sujet similaire, le Paradis de l'ouest de Amitabha. Amitabha est le Bouddha régnant sur le Paradis de l'ouest. Il est assis sur un trône de lotus au centre du paradis. A ses côtés se trouvent le bodhisattva Guanyin et le bouddha Sakyamuni, et d'autres bodhisattvas. Devant le trône, plusieurs danseurs et autres artistes dansent seuls ou deux à deux au son de la musique des instrumentistes sur les côtés. La composition est structurée autour d'un étang et d'une série de maisons au fond, avec des planchers argent et or et des tuiles de couleur qui reflètent la lumière. Des enfants jouent dans l'étang et les lotus sont en pleine floraison. Les dames de la cour céleste répandent des pétales de fleurs, une extravagance totale d'abondance. Amitabha est assis sérieux et tranquille, plein de grâce et d'élégance.

Les gens de la dynastie des Tang aimaient jouir d'abondance et de luxe, un contraste frappant avec l'enseignement bouddhiste du sacrifice et de la pénitence. Les fresques bouddhistes des Tang essayaient de montrer les concepts du bouddhisme ; par exemple les fresques qui illustrent le soutra Saddharma Pundarika (soutra du Lotus du sublime Dharma). Ce soutra propose comme but l'illumination totale, et de manière à atteindre cet objectif, il faut endurer une longue vie de peine et de misère. La plupart des gens ordinaires ne pouvaient accepter une telle vie et abandonnaient avant d'avoir atteint leur but. Donc, le soutra Saddharma Pundarika (soutra du Lotus du sublime Dharma) recourt à l'histoire suivante d'une ville de mirage pour les encourager à poursuivre jusqu'à l'illumination finale. Des gens se rendirent très loin à la recherche d'un trésor. Durant leur voyage, ils rencontrèrent plusieurs obstacles et subirent d'inimaginables souffrances. Après un certain temps, ils étaient fatigués et perdirent confiance. Ils ne pouvaient aller plus loin et songèrent à rebrousser chemin. À ce moment, un sage produisit le mirage d'une ville devant eux, avec des résidences princières, des pavillons et des jardins entourés de ruisseaux. Les pèlerins étaient enchantés et marchèrent vers la ville pensant avoir trouvé le trésor et que leur voyage était terminé. Les voyant si contents, le sage fit disparaître la ville et leur dit qu'elle n'était qu'un endroit pour prendre du repos, et non leur destination finale. Ils devaient poursuivre leur marche jusqu'à ce qu'ils atteignent leur trésor. Les fresques de la grotte n° 217 reproduisent la ville du mirage vivement imaginée par les artistes, avec son immense paysage rempli des détails de l'histoire.

Les mécènes qui financèrent les projets de fresques font aussi l'objet des peintures. Le plus célèbre exemple est celui de la fresque En voyage dans la grotte n°156. Zhang Yichao était un fonctionnaire politique du plus haut rang dans la région du nord-ouest où se trouve Dunhuang. En voyage raconte une excursion de chasse de Zhang Yichao avec des membres de sa famille et leur retour triomphal. Zhang monte un cheval à selle rouge et est accompagné de deux colonnes de cavaliers, une de chaque côté, avec tambours et trompettes résonnant à haut volume et plusieurs chiens de chasse, et des gazelles mongoles qui courent de tous côtés, un splendide tableau de chasse. Sur une autre fresque, La reine de l'Etat de Song (l'épouse de Zhang Yichao) en promenade, la dame, accompagnée de ses serviteurs et servantes et de plusieurs danseurs et musiciens, chevauche un magnifique cheval blanc, monture typique de la dynastie des Tang tout comme sur les peintures Homme attroupant des chevaux et Zhaoyebai tu (Night-Shining White) de Han Gan. Aussi sur les fresques se trouve un groupe de magiciens dont certains tentent d'escalader une colonne, avec un orchestre complet comme toile de fond, une description vivante d'un grand événement social. Il est très intéressant de noter que les artistes ont exécuté avec une grande délicatesse une fresque d'une telle extravagance et d'un tel luxe en mémoire du mécène et en remerciement pour son appui. Cela montre aussi l'importante relation sociale sous les Tang et les caractéristiques des fidèles du bouddhisme. Les grottes de Mogao marquent l'achèvement de l'adaptation des arts bouddhistes en Chine, et l'unification ultime des techniques de la peinture chinoise traditionnelle et des enseignements bouddhistes adaptés aux caractéristiques sociales et nationales. Les fresques ont changé le style conceptuel audacieux et libre de la période des Wei du Nord et ont enrichi à la fois les techniques et les compositions. L'usage élégant des lignes et des couleurs a équilibré l'imposante grandeur par de rafraîchissants détails délicats. Les fresques de la grotte n° 220 qui furent complétées pendant la seizième année de la période Zhenguang sont les mieux conservées de Dunhuang et elles illustrent la plus haute perfection de l'époque des Tang.