Le Protestantisme

En 1807, le missionnaire britannique Robert Morrison (1782 - 1834) arriva en Chine. Ce fut le coup d'envoi donné par le protestantisme en Chine. A cette époque-là, du fait que le gouvernement de la dynastie des Qing interdisait la diffusion du catholicisme et du protestantisme en Chine, Robert Morrison et les autres missionnaires qui arrivèrent successivement après lui se voyaient dans l'obligation de prêcher clandestinement le protestantisme dans le littoral du Sud-Est de la Chine.

Après la guerre de l'Opium en 1840, la porte de la Chine fut ouverte. Vers la fin du XIXe siècle, les missionnaires protestants venus en Chine étaient de l'ordre de 1 500 personnes, et ils initièrent environ 80 000 personnes dans le protestantisme.

Du fait que le protestantisme entra en Chine avec l'agression colonialiste des grandes puissances occidentales, aux yeux de nombreux Chinois, sa diffusion était liée à la dépravation, à la ruine et au bradage de l'honneur national et de la souveraineté de ce vieux pays. Jiang Menglin (1886 - 1964), qui était le recteur de l'Université de Beijing dans les années 1920, eut une description en la matière : « Lorsque l'on trouve qu'une religion et la force armée sont inséparables comme l'ombre et le corps, on a naturellement une impression différente sur cette religion. Par ailleurs, il est effectivement impossible pour les Chinois de ne pas mettre le protestantisme et la menace d'emploi de la force sur le même plan. Petit à petit, on a eu une telle impression : le Bouddha est venu en Chine en chevauchant un éléphant blanc, tandis que Jésus Christ est venu en volant et en chevauchant un obus. »

Sous la protection de traités inégaux, certains missionnaires protestants faisaient n'importe quoi sur le territoire chinois, si bien que des conflits et des différends entre la population chinoise et les missionnaires occidentaux se produisaient fréquemment dans différentes régions de la Chine. Ces conflits et différends furent appelés « procès religieux » dans l'histoire. Durant la période allant de 1840 à 1900, plus de 400 cas de procès religieux eurent lieu dans différentes régions de la Chine. Ces procès religieux donnèrent alors les meilleurs prétextes aux grandes puissances occidentales pour qu'elles imposassent des exigences encore plus irrationnelles au gouvernement chinois, voire pour qu'elles déclenchassent des guerres d'agression.

C'est ainsi que s'enflammèrent les étincelles du Mouvement des Yihetuan. Les conflits sanglants de grande envergure firent subir à l'Eglise protestante des échecs cuisants en Chine. Ce qui l'obligea à se contenir un peu. Certains missionnaires prirent conscience petit à petit qu'il fallait réformer l'approche missionnaire du passé pour éliminer les ressentiments et les rejets des Chinois envers les missionnaires étrangers. La réforme consistait à remplacer l'évangélisation directe dans le passé par la création d'écoles, d'hôpitaux et d'organismes charitables.

Lorsque les missionnaires occidentaux voulurent commencer à mettre en pratique leur nouvelle tactique d'évan-gélisation, la Chine se trouvait justement dans une telle époque : la décadence nationale éveilla des réflexions culturelles profondes ; les Chinois, dans l'espoir de sauver la patrie de l'assujettissement à l'ennemi et d'assurer son salut, exigèrent impérieusement un perfectionnement de soi-même et une réforme ; admettre consciemment ou inconsciemment la culture occidentale devint alors un grand thème principal de la société. Ce fut une belle occasion pour la diffusion du protestantisme.

En 1922, les protestants chinois s'élevèrent à presque 400 000 personnes ; et en 1949, ils furent proches de 700 000 personnes.

L'Eglise protestante non seulement prêchait le protestantisme dans les grandes villes chinoises, mais encore s'enfonçait dans des régions reculées pour y construire des églises. Parallèlement, le mouvement d'indépendance et le mouvement d'indigénisation de l'Eglise chinoise se poursuivirent sans cesse. Le mouvement d'indépendance data des années 1870, où les procès religieux ne cessaient de se produire et où le protestantisme subissait des échecs au cours de son développement. Ce qui éveilla certaines personnalités au sein de l'Eglise chinoise, qui s'efforçaient de lutter contre les traités inégaux et l'oppression des forces étrangères, de modifier l'image du protestantisme en tant que « religion étrangère ». Elles avaient l'intention de réaliser l'indépendance en créant par elles-mêmes une Eglise, afin d'établir finalement un nouveau protestantisme doté de caractéristiques de la nation chinoise.

Le mouvement d'indépendance, dans les premiers temps, n'était traduit que par des actes individuels et spontanés de certains protestants chinois ; dès l'entrée dans le XXe siècle, il commença à devenir un mouvement de l'Eglise. En 1922, le congrès national des protestants de Chine se tint à Shanghai, lors duquel fut créé le Conseil national chrétien de Chine, une organisation nationale. Celle-ci lança un mot d'ordre pour créer une Eglise autochtone, et proposa que les protestants chinois assumassent leurs reponsabilités et missent en valeur la civilisation intrinsèque chinoise, afin d'enlever au protestantisme son appellation de « la religion étrangère ».

Le mouvement d'indigénisation du protestantisme chinois était un mouvement visant à intégrer le protestantisme dans la nationalisation. Il se caractérisait par la lutte contre l'occidentalisation complète, et pour la combinaison avec la culture traditionnelle chinoise en matière de dogmes, de forme organisationnelle et de rituels. Il préconisait de mettre en valeur la civilisation intrinsèque orientale, et de maintenir toutefois un certain degré de coopération avec l'Eglise occidentale.

Mais en fait, comment le protestantisme pouvait-il s'intégrer à la culture chinoise ? Ce n'était pas une chose assez simple. Le mouvement d'indigénisation une fois lancé, on fit de grands efforts pour le mettre en pratique. Ces efforts se traduisirent comme suit : dans certaines régions, on adoptait l'architecture du temple chinois pour construire des églises ; on changeait la musique des cantiques chantés lors de la messe en musique nationale. En évidence, tout cela n'était qu'un fusionnement pour la forme ; mais comment le protestantisme pouvait-il s'associer à l'esprit intrinsèque de la culture chinoise ? On n'y vit pas une perspective substantielle.

Après la fondation de la République populaire de Chine en 1949, bien que la Chine Nouvelle déclarât la liberté de croyance religieuse, du fait que certains missionnaires étrangers avaient fait longuement la propagande anti-communiste, bon nombre de protestants faisaient preuve d'un vif scepticisme envers le nouveau gouvernement, et trouvaient que leur avenir était incertain. Pendant ce temps-là, certains protestants clairvoyants s'aperçurent que le protestantisme chinois devrait éliminer l'influence et l'empreinte laissées autrefois par les grandes puissances occidentales, accomplir la transformation de soi-même, et s'accorder avec la société chinoise évoluée afin de connaître un nouveau développement.

A cet effet, 40 chefs protestants ayant Wu Yaozong (1893 - 1979) à leur tête publièrent le 23 septembre 1950 une déclaration intitulée la Voie des efforts déployés par le protestantisme chinois dans l'édification de la Chine Nouvelle, dans laquelle ils exigèrent que les protestants dans tout le pays accomplissent dans les meilleurs délais le mouvement d'une autonomie, d'un prêche autonome et d'un entretien par soi-même. Ce qui marqua le commencement du mouvement de réforme des trois autonomies de l'Eglise chinoise.

Dès qu'elle fut publiée, cette déclaration trouva un écho positif chez les protestants patriotes. Jusqu'en 1954, les protestants qui étaient pour cette déclaration en y apposant leur signature s'élevèrent à plus de 410 000 personnes, soit deux tiers du nombre total des protestants chinois.

En 1954, la première conférence nationale des protestants chinois se tint à Beijing, lors de laquelle fut fondé le Comité national du Mouvement patriotique des trois autonomies de l'Eglise protestante chinoise (Three-Self patriotic Movement, TSPM), dont Wu Yaozong fut élu le président.

L'essor du « Mouvement des trois autonomies » marqua dans une certaine mesure un nouveau point de départ, à partir duquel le protestantisme passa en Chine d'une « religion étrangère » à une religion propre aux Chinois.

Si l'Eglise protestante chinoise pratique une autonomie, un entretien par elle-même et un prêche autonome, cela ne veut pas dire qu'elle s'isole du monde extérieur. Pendant plus de 5 décennies qui suivirent la fondation de la Chine Nouvelle, l'Eglise protestante chinoise établit des relations officielles avec des Eglises protestantes de nombreux pays ; elle reçoit des délégations étrangères venues en visite en Chine, en même temps qu'elle organise des délégations pour rendre visite à l'étranger. Par ailleurs, elle prend part à la conférence internationale protestante. En 1991, l'Association des protestants de Chine adhéra officiellement au Conseil oecuménique des Eglises (COE).

Après la mise en application de la politique de la réforme et de l'ouverture vers l'extérieur, le protesantisme enregistra un développement considérable. En 1979, la Chine compta plus de 3 millions de protestants ; en 2002, les protestants chinois s'élevèrent à plus de 16 millions de personnes, avec presque 50 000 églises.

La presse étrangère fit jadis un reportage, selon lequel la Bible manquait terriblement sur le territoire chinois. Mais en fait, de 1988 à la fin de 2002, la Chine imprima et diffusa 30 millions d'exemplaires de la Bible, en plusieurs langues, dont les langues anglaise, han, coréenne, miao, jingpo, lahu, va, lisu et yi. Dans certaines régions peuplées d'ethnies minoritaires, la Bible fut offerte pour la plupart à des adeptes à titre gracieux. Nanjing Amity printing Co, qui se spécialise dans l'impression de la Bible, fut créé en 1987 à capitaux mixtes par the United Bible Societies (Alliance biblique universelle) et the Amity Foundation.

A part le Comité national du Mouvement patriotique des trois autonomies de l'Eglise protestante chinoise, l'Association des protestants de Chine, créée en 1980, est une autre organisation protestante nationale. L'un comme l'autre, ils installèrent leur siège à Shanghai. Les organisations locales de ces deux ogranisations nationales sont réparties sur tout le territoire chinois, qui totalisent plus de 1 700.

A l'heure actuelle, la Chine compte au total 17 séminaires protestants. L'Institut de théologie de l'Union anglicane Jin-ling à Nanjing, établi en 1952, est un séminaire protestant national en Chine.